4.4 Interopérabilité des espaces de données

Pour dépasser les différentes approches en matière de politique des données et la fragmentation réglementaire qui en résulte, il faut créer des espaces de données internationaux compatibles. L’interopérabilité désigne donc la capacité des différents espaces à communiquer et à interagir les uns avec les autres, malgré leurs origines géographiques et sectorielles différentes. Selon le European Interoperability Framework (EIF), elle est constituée de quatre niveaux, à savoir l’interopérabilité technique, sémantique, organisationnelle et juridique. Ceux-ci peuvent à leur tour être répartis en interopérabilité étroite et en interopérabilité large.

Niveaux d’interopérabilité, Graphique inspiré de Commission européenne (2017), « New European Interoperability Framework: Promoting Seamless Services and Data Flows for European Public Administrations » tiré du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique », p.38

L’interopérabilité étroite décrit la capacité de communication technique et sémantique entre les espaces de données. Il s’agit d’une part de rendre les infrastructures techniques compatibles entre elles. Les systèmes d’application peuvent par exemple être dotés d’interfaces électroniques (API) facilitant et simplifiant autant que possible l’échange des données. D’autre part, il s’agit d’enregistrer et de définir les données au niveau sémantique de manière à ce qu’elles puissent être interprétées par un autre espace. En d’autres termes, le format et la signification des données échangées doivent également être conservés et rester interprétables.

Les normes constituent un aspect important de l’interopérabilité étroite. La standardisation de la saisie, du stockage et de la préparation des données, ainsi que de leur échange, permet de les réutiliser dans différents espaces et à différentes fins. L’interopérabilité sémantique requiert par ailleurs des normes de métadonnées uniformes, qui saisissent et décrivent correctement les formats et la signification des données. La plateforme d’interopérabilité I14Y, établie en Suisse dans le cadre de la gestion nationale des données, peut être citée comme exemple. Avec sa gouvernance développée et ses processus d’harmonisation, ainsi que (dans sa fonction future) en tant que répertoire d’interfaces API de la Confédération, elle tient déjà compte des facteurs d’interopérabilité sémantique. Le développement de normes se fait soit dans le cadre d’un projet (p. ex. pour un nouvel espace de données) – ce qui permet une flexibilité et une adaptation spécifique – soit en reprenant des normes existantes. L’adoption de normes existantes présente le grand avantage de garantir l’interopérabilité avec tous les autres systèmes qui utilisent également ces normes. Elle est donc à privilégier, notamment pour les espaces de données interopérables. Aujourd’hui, différents organismes s’occupent de la définition de normes au niveau mondial (ISO/IEC, IEEE, IETF, ITU et W3C), au niveau européen (CEN et ETSI) ou dans le domaine spécifique des espaces de données (Gaia-X et IDSA).

Les questions d’interopérabilité entre les espaces de données ne se limitent toutefois pas à des aspects techniques. Un cadre juridique et social spécifique ainsi qu’une interopérabilité organisationnelle sont nécessaires pour que les données puissent circuler au-delà de l’espace de données sans une trop lourde charge administrative. Cet aspect est appelé interopérabilité large.

Les normes techniques remplissent une fonction importante dans l’interopérabilité large: elles contribuent à la mise en œuvre des exigences juridiques et éthiques et permettent, lorsqu’elles sont largement acceptées, une compatibilité simplifiée entre les différents systèmes juridiques et réglementaires nationaux. Ces dernières années, outre les questions juridiques (p. ex. dans le domaine de la protection des données ou de la propriété intellectuelle), les défis liés à des approches réglementaires fondamentalement différentes se sont multipliés (voir chapitre 6.1). Les valeurs sociales et les intérêts géopolitiques jouent un rôle central. La population doit avoir la certitude que les données, quelles qu’elles soient, ne sont pas utilisées à l’étranger à d’autres fins ou qu’elles ne sont pas moins protégées parce qu’elles franchissent les frontières nationales.

Les approches d’interopérabilité large permettent de lier des espaces de données structurés différemment au niveau international. Grâce à une coopération et une coordination renforcées des systèmes juridiques, le cas échéant au moyen d’accords bilatéraux ou d’autres instruments
internationaux, il est possible de surmonter certains défis et d’éliminer ou de minimiser les limitations du flux des données. Cette tâche est d’autant plus réalisable si les partenaires partagent les mêmes idées ou des idées similaires. Toutefois, de grands défis subsistent au niveau mondial. Il s’agit donc de développer de nouvelles approches, qui permettent d’obtenir une large interopérabilité, sans pour autant porter atteinte aux principes et valeurs essentiels de la Suisse.

Le contenu de ce module est issu du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique ».