3.2 Les différents espaces de données en Suisse : L’Énergie
Comme nous l’avons vu précédemment, aujourd’hui la majorité des entités privées qui utilisent le potentiel des données numériques, le font souvent sans trop laisser le choix aux utilisateurs et utilisent ces données de manière privée à leurs propres fins. L’accès à ces données est donc souvent limité pour les prestataires de services, entités publiques ne pouvant pas accéder aux données des plateformes pour améliorer et développer des nouveaux services car les plateformes qui détiennent ces données ne les partagent pas par peur de désavantage concurrentiel.
Afin de pouvoir pallier ce dilemme, la Confédération a donc proposé le concept de “Création d’espaces de données fiables”. La création d’espace de données fiables est nécessaire pour le développement d’améliorations et de nouveaux services respectant le droit à l’autodétermination numérique de chacun, c’est-à-dire, au droit au respect de ses propres données. Ce concept permet également d’améliorer l’accès aux données aux différents prestataires (publics/privés) tout en renforçant le contrôle de chacun sur ses propres données.
Dans cet article, nous allons plus précisément nous intéresser aux espaces de données numériques concernant les données relatives au secteur de l’énergie.
Aujourd’hui, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) constate que pour des raisons historiques, l’échange de données du secteur de l’électricité entre les exploitants de réseau de distribution responsables de la collecte et de la mesure des données et les tiers s’effectue de manière bilatérale. Ceci pose problème pour les petits acteurs de marché comme les consommateurs et les milieux scientifiques agissant souvent comme barrière à l’innovation. Ce constat est également partagé pour le secteur du gaz mais également d’autres secteurs de l’énergie selon le DETEC.
Le 18 juin 2021, le Conseil fédéral a adopté la révision de la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables. Dans son message, le Conseil fédéral crée les fondements pour la mise en place d’une infrastructure nationale de données dans le secteur de l’électricité, dont l’élément central est un hub de données. Celui-ci était alors déjà en discussion et vu notamment comme un modèle d’avenir.
Ce projet est actuellement mené par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Dans l’interview donnée à l’ICTjournal, Matthias Galus, responsable Digital Innovation de l’OFEN, explique que la première étape de la digitalisation des réseaux d’électricité dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération consiste à l’introduction des compteurs intelligents.
La deuxième étape consiste à pouvoir utiliser et partager les données récoltées de façon efficace, ainsi qu’à faciliter la gestion de l’accès à ces données. Ce datahub regroupera ainsi les données de consommation, mais aussi les données de production d’électricité. Il note que d’ici 2050, avec le développement des énergies renouvelables, il y aura des centaines de milliers d’utilisateurs-producteurs d’énergies rendant la structure de production de l’énergie plus décentralisée. C’est pourquoi, dans le cadre de la transformation du secteur énergétique suisse, les données numériques jouent également un rôle clé. En intégrant ces nouveaux producteurs d’énergie renouvelable à l’infrastructure énergétique du réseau centralisé qui existe, nous pouvons ainsi réduire l’impact écologique en profitant de cette production propre au lieu des infrastructures plus polluantes comme les centrales à charbon ou nucléaires.
En disposant de données de haute qualité sur la production d’énergie, ce datahub nous permettra de davantage automatiser la gestion des données et des processus des systèmes énergétiques comme prévoir une meilleure planification de l’exploitation du système par exemple ou produire un décompte détaillé des flux énergétiques permettant d’éclairer le consommateur sur la composition de leur mix énergétique (voir notamment Marquage de l’électricité). Mais il peut également faire avancer la recherche ou mettre au point des services innovants pour les consommateurs basés sur les données tout en garantissant au niveau national à l’accès aux données de manière uniforme et en renforçant les droits des consommateurs en tant que producteurs de données. Il explique par exemple que de nombreux chercheurs souhaitent élaborer des algorithmes et solutions exploitant l’intelligence artificielle dans le domaine de la production et de la consommation d’énergie mais butent contre la difficulté d’accéder à des données fiables et complètes.
Selon Galus, ce datahub dans le secteur électrique est également profitable pour les particuliers car il permet de profiter de transparence dans le secteur d’énergie, d’optimiser leur consommation, de les sensibiliser à l’aide d’outils basés sur les données, de changer de fournisseur d’électricité ou de souscrire à des services innovants.
L’idée derrière ce datahub est de mettre en place une interface standardisée où les acteurs du marché peuvent accéder directement, uniformément et équitablement aux données, pour autant que les consommateurs les y aient autorisés. Galus explique que pour gérer les accès, ils envisagent la création d’un consortium. Une structure similaire pourrait être mise en place dans le secteur du gaz.
Le contenu de ce module est inspiré du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique ».
Echange de données actuel en Suisse, source : Datahub Suisse. Noyau de la future infrastructure de données des marchés numérisés d’électricité et de gaz p.15