1.5 Défis dans l’utilisation des données
L’intensification de l’utilisation des données pose de nouveaux défis à la société, à l’économie et à l’Etat. Au niveau macro, l’exploitation du potentiel des données doit être améliorée chez de nombreux acteurs et la méfiance de la société vis-à-vis de l’utilisation croissante des données est de plus en plus forte – en particulier lorsque celles-ci sont entre les mains d’acteurs puissants, comme les pouvoirs publics ou des entreprises transnationales.
Dans ce contexte, le problème est le suivant: pour renforcer la confiance et le contrôle, l’échange de données devrait être généralement limité, alors que la réalisation des potentiels de création de valeur nécessiterait au contraire davantage d’échanges et de mises en liens de données. La politique des données est tiraillée entre la protection et l’utilisation des données. Ce « conflit » est généralement présenté comme binaire et gagnant-perdant, et donne l’impression qu’il faut choisir entre une protection efficace et une utilisation accrue des données.
En résumé, les éléments suivants contribuent à ce qu’une part croissante de la population n’ait pas une confiance et une conscience suffisantes pour une utilisation durable des données.
- Concentration des données et structures décisionnelles opaques: les données sont réparties de manière inégale et souvent concentrées auprès de quelques grandes entreprises technologiques ou d’acteurs disposant d’une large couverture du marché dans des secteurs non technologiques. Dans ces cas de figure, elles sont souvent utilisées de manière propriétaire afin de créer une plus-value pour l’organisation concernée. Souvent, ces pratiques échappent à un véritable contrôle de la part des acteurs concernés et peuvent donc contribuer à l’érosion de l’autodétermination ainsi qu’à la consolidation d’une position dominante. En utilisant les données des utilisateurs de manière nonchalante, ces acteurs provoquent une perte de confiance et diminuent la disposition à partager sciemment des données.
- Manque d’organisation des utilisateurs: dans l’économie de plateforme actuelle, les utilisateurs (à savoir aussi bien les particuliers que les entreprises qui dépendent des plateformes) ne disposent guère d’organisations pour défendre leurs intérêts avec suffisamment de poids. Ils sont rarement organisés collectivement et souvent l’intervention liée aux données menée isolément par un seul acteur n’est pas assez importante pour que les exploitants de plateformes changent de comportement. Ce déséquilibre et les effets de réseau dans les relations entre plateformes peuvent conduire les utilisateurs à accepter des conditions qui leur sont défavorables, tant en ce qui concerne la sphère privée que sur le plan économique. Ce déséquilibre peut être compensé, du moins en partie, par de fortes autorités de protection des données (dans le cas Suisse, l’art. 49 revLPD oblige désormais le PFPDT à ouvrir une enquête, d’office ou sur dénonciation, lorsqu’il existe des indices suffisants qu’un traitement de données pourrait enfreindre la LPD. Si la personne concernée est à l’origine de la dénonciation, il doit l’informer des suites et du résultat d’une éventuelle enquête. Toutefois, ces autorités doivent être dotées de ressources suffisantes).
- Contexte décisionnel insuffisant pour les utilisateurs: dans l’espace numérique, les utilisateurs disposent d’une capacité décisionnelle limitée. Ils manquent souvent de connaissances pour prendre des décisions autodéterminées.38 Dans le même temps, les décisions de partage de données dépendent toujours du contexte; les décisions affectives et le paradoxe de la vie privée se manifestent souvent dans les situations quotidiennes. En particulier dans ces cas, il en résulte que des données sont partagées de manière irréfléchie, surtout si l’absence de consentement entraîne une restriction du service proposé. En outre, la fracture numérique (→ Fracture numérique) peut conduire à une exclusion de la vie numérique.
- Incitations insuffisantes au partage de données: pour créer un système fiable de partage des données, il faut, outre les mesures de protection nécessaires, également prévoir des incitations suffisantes, tant pour les particuliers que pour les entreprises. Actuellement, les incitations sont réparties de manière inégale; souvent, ce sont les entreprises possédant les données qui en profitent principalement, car elles les utilisent de manière propriétaire. Ces entreprises sont généralement peu incitées à changer quoi que ce soit à leur statut privilégié. Elles contribuent à empêcher d’exploiter pleinement le potentiel des données.
Le contenu de ce module est issu du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique » .