1.3 Réalisation insuffisante du potentiel des données
Dans le domaine des médias ou du commerce, les plateformes ont révolutionné l’utilisation des données en regroupant différentes sources. Les produits et services qui en résultent recèlent une importante plus-value économique pour les entreprises concernées et leurs utilisateurs. Dans d’autres secteurs importants de notre société, tels que la mobilité, la santé et l’éducation, les services personnalisés permettent des améliorations considérables. Les données servent de moteur aux innovations et à l’efficacité, deux éléments qui présentent un intérêt pour l’ensemble de la société. Elles peuvent, entre autres, contribuer à combattre les effets du changement climatique, à limiter la propagation d’une pandémie et à rendre des services d’intérêt public, tels que le système de santé ou de mobilité, plus efficaces et mieux adaptés aux besoins. De même, la base de connaissances générée par les informations et les analyses fondées sur les données peut revêtir une grande importance dans l’administration et dans le processus de décision démocratique, aussi bien pour la formation de l’opinion que pour la mise en œuvre et la réalisation concrètes de projets. Par conséquent, il est intéressant et essentiel, dans une perspective économique, sociale et sociétale, d’utiliser les données de manière optimale.
Or souvent, dans les domaines susmentionnés, les fournisseurs traditionnels de prestations, privés ou publics, ne peuvent ou ne veulent pas exploiter le potentiel des données. Quant aux utilisateurs et aux producteurs de données, ils ne sont pas prêts à autoriser l’utilisation de leurs données. Ils craignent entre autres que d’autres puissent tirer des conclusions sur leurs modèles commerciaux, ce qui pourrait entraîner des désavantages concurrentiels. Les producteurs de données craignent en outre de perdre le contrôle de la collecte, de l’utilisation et de la réutilisation de leurs données. Les opportunités et les avantages que présentent le partage et l’utilisation des données sont encore mal compris et suscitent trop de méfiance. D’autres raisons sont liées à une compréhension insuffisante de la situation juridique ainsi qu’à un accès aux données difficile du point de vue juridique et technique (p. ex. absence d’interfaces standardisées → Normes → Interfaces et API → Application Programming Interface). En outre, il n’y a pas suffisamment de savoir-faire, de ressources et d’infrastructures (p. ex. pour le stockage et l’analyse des données) pour mettre en œuvre et promouvoir l’utilisation des données. Comme l’a montré un récent rapport commandé par la Commission européenne, l’utilisation des données dans le secteur public est à la traîne, en raison d’obstacles techniques, organisationnels et juridiques ainsi que d’un manque de culture du partage des données.
Par ailleurs, selon une étude de la Haute école spécialisée bernoise, de nombreuses données
pertinentes pour l’innovation en tant que base d’informations et de connaissances tendent à se
concentrer sur de grandes plateformes internationales, car celles-ci, de par l’effet de réseau, leur taille et une position dominante sur le marché qui en résulte, savent effectivement utiliser les données de manière propriétaire et offrir une plus-value tangible, notamment aux utilisateurs. Cette concentration peut fausser la concurrence entre les entreprises, mais aussi déséquilibrer les connaissances et des informations vis-à-vis de l’Etat et de la société. A moyen et à long terme, des concentrations intersectorielles de données risquent d’apparaître et, en raison du manque de diversité des idées, non seulement d’entraver l’innovation à l’intérieur et à l’extérieur de l’écosystème des plateformes, mais aussi de créer, pour des prestations importantes (p. ex. service public), des dépendances non souhaitées vis-à-vis d’acteurs privés.
Ces évolutions ne sont pas idéales. Elles montrent que le potentiel des données pour l’ensemble de la société n’est pas encore pleinement exploité, et que les particuliers, les entreprises (notamment les PME) et les milieux scientifiques devraient avoir la volonté et la capacité de partager et d’utiliser davantage de données. Les raisons de la réalisation insuffisante du potentiel global des données dans la société varient selon les secteurs et les entreprises. Il est incontestable cependant que ce potentiel n’est pas encore utilisé pleinement en Suisse. En comparaison européenne, l’économie suisse des données peut certes être jugée plutôt avancée, mais dans de nombreux secteurs, elle demeure toutefois derrière les leaders.
Le contenu de ce module est issu du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique ».