4.2 Différentes approches de la politique des données

Ces dernières années, la polarisation dans le contexte international et multilatéral s’est accrue face aux rivalités géopolitiques. Cette tendance se manifeste dans le domaine de la politique numérique et des données, où différentes approches s’affrontent. Comme dans d’autres domaines, des divergences d’intérêts et de valeurs empêchent de trouver le consensus minimal requis pour adopter une politique internationale commune en matière de données. De manière très simplifiée, la politique des données s’oriente actuellement en fonction des trois approches suivantes:

  1. Certains Etats, comme les Etats-Unis, poursuivent une politique fortement axée sur la liberté d’entreprise en matière d’utilisation des données. Celles-ci doivent pouvoir être exploitées autant que possible sans restrictions étatiques, afin d’augmenter l’innovation et la compétitivité. Les données sont considérées en premier lieu comme une ressource économique appartenant à l’acteur qui les contrôle. Par conséquent, certaines mesures légales, telles que la protection de la propriété intellectuelle et des secrets commerciaux, sont considérées comme importantes. Sinon, un flux de données international, exempt de toute restriction, est considéré comme prioritaire et toutes les interventions réglementaires sont généralement rejetées car elles entravent l’innovation.
  2. D’autres Etats, comme la Chine, considèrent l’accès et le contrôle des données dans de vastes parties de la vie comme une primauté de l’Etat et comme l’exercice de sa propre souveraineté. Les données sont utilisées avant tout à des fins de contrôle étatique de la société. Dans le contexte international, ces acteurs tentent de renforcer le rôle et l’influence de l’Etat dans le domaine de la politique des données, au détriment d’autres acteurs.
  3. L’UE ainsi que d’autres Etats européens et non-européens ont opté pour une politique des données centrée davantage sur les valeurs et les personnes. Il s’agit de trouver un juste équilibre entre la liberté des particuliers et des entreprises, une certaine transparence et la protection de la sphère privée ou d’autres droits fondamentaux. En réglementant délibérément certains domaines, il s’agit de renforcer la confiance de la population dans l’utilisation des données (Voir également encadré ci-dessous).

L’UE est un partenaire naturel pour la Suisse dans de nombreux domaines: toutes deux s’engagent pour une société des données centrée sur les valeurs et les personnes. L’exploitation du potentiel économique et social des données doit se faire sous la garantie d’éventuels droits de propriété intellectuelle et dans la protection et le respect des droits fondamentaux et des valeurs démocratiques. En outre, l’intégration de la Suisse dans les espaces de données européens est judicieuse pour les deux parties en raison des relations économiques communes et des liens forts entre les secteurs (p.ex. chaînes d’approvisionnement partagées).

En revanche, s’agissant de l’autodétermination numérique, la Suisse a développé sa propre approche, qu’elle peut insuffler dans la conception des espaces de données européens. Alors que l’UE réagit souvent aux défis de la politique des données par de nouvelles mesures réglementaires, la Suisse considère que l’autodétermination numérique doit permettre de trouver le bon équilibre entre liberté d’innovation et protection, et qu’elle doit être établie en collaboration avec tous les acteurs. L’autodétermination numérique ainsi que les principes de base et indicateurs exposés peuvent contribuer directement au développement d’espaces de données européens.

Le contenu de ce module est issu du rapport du DETEC et du DFAE au Conseil fédéral « Création d’espaces de données fiables, sur la base de l’autodétermination numérique ».